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  • Emmanuelle Coratti

AMELIE DAGUES, ENTREPRENEUSE, PRODUCTRICE DES PODCASTS LAISSE BETON ET PERCHISSIME






D’où nous parles-tu sur ce thème du « retour à la terre au féminin » ? Quel est ton parcours ?


Le sujet du retour à la terre me parle car j’ai quitté la région Ile de France en 2017 en tribu avec mari et des enfants très petits, au départ pour vivre dans une zone pas forcément rurale. Je cherchais surtout une diversité que je ne trouvais plus dans la très grande ville. Plus j’avançais en âge, plus je ne cotoyais que des gens qui me ressemblaient et je voulais montrer autre chose à mes enfants, m’éloigner d’un système, car je savais qu’il y avait autre chose et j’avais le sentiment que la vraie vie était ailleurs. Le monde urbain me paraissait dans l’entre-soi et trop artificiel.

J’ai choisi le Perche Centre Val de Loire, non pas que la diversité y soit totale, mais il y avait une autre forme de diversité sociale, essentielle pour moi dans l’éducation d’un être humain pour faire société. Cela rentrait en compte avant même le cadre de vie et de verdure. Je suis tombée en amour de la région, qui est préservée et si belle. La connexion avec un territoire est quelque chose de totalement intuitif, je ne savais pas vraiment mettre de mot à ce moment là et d’ailleurs cette intuition a été très peu comprise. C’était une évidence, que c’était là où nous devions être. Mais notre entourage urbain très éduqué, a vu cela comme une choix Paris contre la Province et a réagi violemment. Cela a été très dur mais cela m’a permis en tirant le fil de comprendre plein de choses, le clivage national, le résultat des élections, le phénomène des gilets jaunes. Toutes ces cassures viennent de ce mépris et de cette incompréhension ? Et cela ne s’est pas arrangé. 

L’angle du féminin me tient aussi à cœur. Je fais partie d’une génération de femmes indépendantes pour qui le féminisme n’était plus un sujet… C’était une évidence pour moi que je pourrai accéder à la vie que je voulais, que le fait d’être femme n’était pas un problème. Je me suis gentiment pris le mur. Je ne renie rien de mon parcours mais ces sujets me tiennent désormais vraiment à cœur, en particulier dans l’éducation de mes filles et de mon fils. 

J’avais comme beaucoup de gens envie de faire ma part et d’essayer de faire bouger les lignes à mon échelle, celle d’un territoire à échelle humaine, où l’on peut facilement rentrer en relation avec les acteurs. Je travaillais à mon compte par choix d’une indépendance, d’une meilleure gestion de mon rythme de vie avec mes enfants en bas âge et par besoin de flexibilité. Je suis entrepreneuse depuis 2013. En 2017 après mon déménagement, j’ai rencontré une autre maman à l’école qui me partageait sa crainte d’entreprendre, de se lancer dans un grand vide. Nous connaissions d’autres femmes qui avaient la trouille et c’est ainsi que nous avons créé une petite association de proximité, car nous étions dans un territoire rural à 30 minutes de la première petite ville. Cela a fait du sens et un réseau d’échanges entre femmes a pris corps autour de rencontre mensuelles au cours desquelles chacune pouvait tomber le masque. Quelques années cela existe encore car c’est un véritable espace ressource. J’y adore la diversité des profils car le seul point que nous avons en commun c’est d’avoir créé. Pour le reste nous sommes de tous âges, nouvellement arrivées ou pas, avec des parcours et des envies très différents, mais ce même désir de sortir d’un fatalisme des territoires. Certes toutes n’y arrivent pas in fine. Beaucoup ont de multiples activités et c’est ça la réalité économique de notre pays. Je me suis dit que c’était à cette petite échelle que je pouvais aider. Et s’investir dans une association locale c’est déjà énorme. L’enjeu c’est d’être utile. Or être utile au territoire, cela n’a rien d’évident sauf quand tu es médecin, que tu travailles dans le paramédical, que tu es prof ou que tu bosses dans la restauration. Une jeune femme a dit en arrivant sur le territoire, mais je ne sais rien faire, je sais juste faire des slides, comment puis-je aider ? On perd tous ses repères, mais cela enrichit beaucoup et nourrit. Cela permet de découvrir qui l’on est. 



Que peux-tu dire des femmes que tu as rencontrées avec ton podcast Laisse Béton ?


Laisse béton est un podcast qui existe depuis mars 2022. Son ambition est d’aider les citadins à réaliser leur rêve de vie au vert. Cela vient de mon expérience. J’ai été tellement surprise de la réaction de mes proches quand nous avons voulu déménager, et reste tellement surprise du traiement médiatique de du monde rural. Je faisais déjà du podcast et j’ai voulu avec ce média intime éclairer les gens des villes qui voulaient vivre à la campagne, leur montrer que c’est possible et que ce retour à la terre prend autant de formes qu’il y a de vies. Cela me permettait aussi d’éclairer ma propre histoire et de faire des rencontres. De fait plus de femmes sont venues à moi, cela n’a pas été voulu. J’interroge 3 types de personnes : celles qui ont quitté la ville où qu’elles soient,  des experts de ces sujets, et des gens engagés sur le ou leur monde rural. Je pense au maires, qui montrent la vitalité de monde sans l’idéaliser. 

Ce que je peux dire de ce que je vois au travers de Laisse Béton, c’est que les femmes prennent plus le risque d’entreprendre et de bouger seules. Ce n’est pas simple, il y a des sujets sociaux, financiers, familiaus. Et les femmes sont plus enclines à prendre ces risques là. Je connais des femmes qui ont tout quitté pour s’installer seules, démisionner, je ne vois en revanche aucun homme partir seul.


Dirais tu que ces femmes qui y arrivent dans les territoires sont une chance ?


Je mettrais un bémol à cela, et je m’approprie pas cette tournure de phrase ni ce vocabulaire. Pour moi ce n’est pas tant le fait qu’elles arrivent, que le fait qu’elles se mélangent avec ce qui existe déjà. Il faut faire prendre la mayonnaise  et cela passe par le fait de vraiment bien comprendre son terriroire. Et quand je parle de territoire, je parle d’hyperproximité (hameau). On met des années à comprendre les gens en les observant et c’est passionnant.  Des années pour le comprendre. Observe les gens. Comprend que comment vivent ici. Zones 


Si tu avais une ou deux mesures à porter politiquement ?


Il faut accueillir sans juger les porteurs de projets et faire passer le message d’accueillir les femmes comme on le ferait avec un homme. Les outils de formation doivent être les liens d’inrformation doivent circuler.  


Un thème que tu voudrais aborder et dont nous n’avons pas parlé pendant cette interview ? 


On observe en ce moment en Italie, chez les néoagriculteurs, que certaines femmes se retrouvent dans des rôles très conservateurs, souvent avec arrivée enfant elles se retrouves confinées. Il me parait fondamental de pouvoir échanger sur le sujet. 



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