Interview d'Aurore Thibaud, presidente et cofondatrice de LAOU
Peux-tu nous présenter Laou (1) et ses missions ?
Notre mission principale auprès des collectivités, c’est de les aider à trouver des nouveaux habitants qui voudront s’installer dans leur territoire. Cela veut dire d’abord identifier des urbains qui veulent déménager, les appeler si leur projet est bien avancé pour les mettre en relation avec le territoire en fixant un rdv avec le chargé d’accueil. On reçoit environ 20 appels par jour et sur ces 20 on en envoie environ 10 à 12 à nos territoires partenaires (départements, com com, régions). Nous agissons avec une petite équipe de compétences diverses avec l’aide d’un logiciel et d’actions marketing qui nous permettent de générer du flux, ce qui est essentiel pour alimenter les chargés d’accueil de nos territoires.
Qu'est-ce qu'un chargé d'accueil ?
Ce nouveau métier de chargé d’accueil est né avec les politiques du Massif central, il y a plus de 20 ans. C’est un métier qui depuis s’est exporté ailleurs, mais reste récent et très peu reconnu. Du fait que l'attractivité résidentielle n'est pas une compétence en soi,ce métier existe au bon vouloir de la collectivité locale. Nous militons pour que ce travail soit plus reconnu et nous agissons au quotidien pour former ces chargés d’accueil quand ils arrivent en poste. Nous proposons aussi des formations pour former par exemple des personnes qui travaillent dans les offices du tourisme ou dans les ADT et qui veulent se mettre à l’attractivité résidentielle, afin qu’ils soient capables d’accueillir et de renseigner les individus et familles qui se projettent dans un changement de vie pour les informer, répondre à leurs questions sur leurs projets, leur proposer des connexions et faciliter la concrétisation de leur projet, pour peu qu’il soit mûri. Cela peut aller de l’aide à la recherche de travail, le soutien dans la recherche de logement, l’appui au développement de projet, la mise en lien… Ce qu’on dit chez Laou, c’est que le chargé d'accueil, c'est le meilleur ami que vous n’avez pas encore sur place.. Un bon copain, pourrait passer votre CV à son réseau par exemple. Un bon copain va vous accueillir sur place avec enthousiasme, vous faire visiter la ville, vous inviter au restaurant. Il va vous expliquer des informations clés du territoire invisibles quand on ne le connait pas. Il va changer l’image de la campagne. L'image de la campagne qu'on a des années 50 est complètement dépassée, il y a plein d'assos on se retrouve facilement entre copains, il y a plein de soirées, de festivals, de cultures, plein de musées, plein de choses !
Qu'est-ce qui attire les urbains dans les territoires ?
Depuis que l’on a créé Laou, on a toujours les mêmes 4 facteurs clés.
- Ce qui vient en premier, c’est Le logement trop petit quand arrive un nouvel enfant, un 2e enfant. Ou même pour un couple.
- Puis le temps de transport
- Le 3e, c'est le stress et le stress peut être dû à plein de choses donc, les incivilités, les temps de trajets trop longs, le rythme, la foule. - Et le 4e qui arrive, et qui dépend vraiment des régions, c'est le dérèglement climatique.
Avec désormais des gens qui nous appellent en nous disant, il fait trop chaud. notamment beaucoup des habitants de PACA, des Lyonnais aussi, un peu de Toulousains, ça commence et ça va augmenter.
Ce qu’il faut c’est vraiment faire le point avec les candidats à la mobilité pour valider avec eux ce qu’ils recherchent : petits bourgs, ruralité isolée, distances acceptables par rapport au service, projet familial. Notre mission est alors de les guider vers les bons territoires et les bons interlocuteurs pour passer du projet à la concrétisation. Et ca c’est passionnant et c’est tellement enthousiasmant de participer à la vie de nos territoires.
Quelle clé de succès pour développer une politique d’accueil ?
A l’échelle d’un territoire, l’enjeu est de structurer l’écosystème qui en complémentarité du chargé d’accueil pourra accueillir tout nouveau potentiel habitant avec ses besoins, ses interrogations et les connecter aux réponses et aux besoins du territoire. Cela s’organise et structurer un écosystème, définir qui fait quoi, former les gens, gérer les flux, ne s’improvise pas, mais c’est passionnant. C'est ce que nous faisons justement pour la Haute Loire avec l'agence d'attractivité dans le cadre de l'expérimentation soutenue par l'ANCT.
L’échelon pour développer ce type de démarche est idéalement le département ou la région. En France, d'une manière générale, ce qui est interpelant c’est de voir que l’argent dédié à l’attractivité des touristes est beaucoup plus importante que celui consacré à l’accueil de nouveaux habitants, or un habitant rapporte beaucoup plus à un territoires, et si les soldes migratoires de territoires ruraux redeviennent positifs, pour autant le flux est largement insuffisant pour compenser le solde naturel négatif. Faire venir des habitants, doit être une priorité pour maintenir les écoles, les services, et les territoires ruraux ont une formidable carte à jouer dans les aspirations à une nouvelle vie de plus en plus d’urbains.
Quelle est dans cette perspective l’évolution potentielle des offices du tourisme ?
Les offices du tourisme sont de superbes outils, des joyaux, dont la mission pourrait très facilement être élargie à une mission d’accueil, intégrant l’attractivité résidentielle. Des offices de l’accueil au sens large… Ce serait magnifique non ?
Superbe initiative, du concret, de l’humain la où il le faut.
Bravo l’ANCT, LAOU et la Haute Loire !